Grazia et Maria, les révolutionnaires
Elles combattent les préjudices et mélangent les canons de la littérature moderne et de l’art contemporain, ce sont des âmes sœurs, taciturnes, avec une grande pensée et tant de rêves. Minuscules et chétives, elles font penser aux mythiques janas et libèrent comme celles-ci des énergies puissantes et féériques, en donnant la parole aux femmes de la Sardaigne la plus profonde et à la poésie de leurs lieux de naissance, Barbagia et Ogliastra. C’est ici que se rencontrent les œuvres les plus grandioses de Maria Lai, dans les campagnes d’Ulassai, le long des parcours de montagne vers ce miracle de la nature qu’est la grotte de su Marmuri et dans le bourg, à côté de celles des artistes internationaux qui ont souhaité en célébrer le génie créatif en marquant ces lieux de leur art. Maria Lai rendra le même hommage à Grazia Deledda en installant à Nuoro sa dernière œuvre, tout près de la chiesa della Solitudine (église de la solitude) où repose l’unique femme italienne prix Nobel de littérature. Andando via est un parcours dans les silences pleins de vie des femmes de Deledda, entre les lieux habités par les mythes et les légendes millénaires, un monde poétique qui a nourri la sensibilité artistique des deux.
Châteaux sardes, trésors cachés
Depuis les promontoires sur la mer, ils regardaient des plages de rêve et depuis les crêtes des montagnes ils dominaient les vallées avec, à leurs pieds, des bourgs pittoresques et des villes côtières. Les châteaux des judicats furent érigés entre les XIe et XIVe siècles, ils hébergeaient des garnisons militaires et parfois il s’agissait même de demeures aristocratiques. Une fois que leur fonction défensive fut perdue, ils furent abandonnés petit à petit, un grand nombre d’entre eux a été perdu, d’autres sont maintenant constitués de ruines intéressantes faisant partie du paysage âpre de la Sardaigne, un certain nombre est parvenu jusqu’à nous quasiment intacts.
Chaque château a sa légende mystérieuse, des fantômes incontournables, des récits controversés et passionnants, alimentés par l’imagination populaire et réélaborés de génération en génération, parfois déformés d’un point de vue historique, tous ont cependant une part de vérité. On raconte des histoires tourmentées de batailles sanglantes, de ‘mystères’ non élucidés, de prisons, de retraites volontaires, de rapts, de tortures, de fuites et de trahisons, d’histoires qui imprègnent les tours de vedette, les méandres souterrains, les couloirs sombres, les belles salles d’armes et des salles à manger somptueuses. Le mythe qui les unit souvent sont les richesses conservées dans des coffres cachés dans des pièces accessibles à travers des passages secrets. La chasse au trésor était toujours très compliquée et pour décourager les aventuriers les plus téméraires, l’écrin était accompagné d’un écrin similaire mais rempli de muscas maceddas, des mouches géantes et monstrueuses munies d’un dard. D’interminables couloirs labyrinthiques, au contraire, auraient été les issues de secours pour se soustraire aux assauts des ennemis. Pas seulement des histoires plus ou moins crédibles d’hommes, d’armes et de fantômes, dans les châteaux sardes les protagonistes sont souvent les femmes, parfois ce sont des figures mythiques comme les janas ou les femmes de l’histoire avec une personnalité extraordinaire, notamment la juge Eleonora d’Arborea, à laquelle est lié le sort de tant de forteresses du judicat.
Au sein du mythe d’Atlante
Au-delà des Colonnes d’Hercule il y avait une île d’or dédiée à Poséidon, le dieu de la mer. A l’apogée de sa grandeur elle fut perdue, écrasée par un violent cataclysme. Le mythe raconte qu’elle aurait été le berceau d’une puissante et originale civilisation millénaire extrêmement évoluée et dépositaire de connaissances et de savoirs transmis de génération en génération par ses habitants, un peuple de guerriers, de navigateurs et d’architectes audacieux qui construisaient des tours en pierre grandioses, jamais vues ailleurs. Dans l’Antiquité, l’île était considérée à l’instar d’un paradis terrestre : des côtes, une mer, des montagnes idylliques et un magnifique paysage parsemé de pierres noires, blanches et rouges. Une terre riche en veines d’argent et eaux de source, qui remontaient à la surface en sources vénérées comme sacrées et formaient des piscines d’eaux et de vapeurs chaudes, une panacée de santé et de beauté. Ici la vie durait plus longtemps, grâce à la nature généreuse et au climat tempéré, aux étés doux et aux hivers ensoleillés qui permettaient davantage de récoltes durant l’année, c’était un havre de paix.
Les rêveurs pourraient aisément suivre les indices laissés par Platon pour trouver en Sardaigne les traces qui mènent à l’île d’Atlante.
Thermes de Forum Traiani
La passion pour les eaux thermales de la Rome antique arriva jusqu’aux extrêmes périphéries de leur empire, une province importante et proche comme la Sardaigne ne pouvait pas manquer. Ils construisirent dans l’Île leur principal établissement thermal à Fordongianus, pour exploiter des eaux qui remontent très chaudes (à 54 degrés) à la surface en conservant leurs propriétés bienfaisantes.
L’histoire des thermes, cependant, ici, comme dans tant d’autres établissements thermales insulaires, est beaucoup plus ancienne, elle remonte à la préhistoire : les Sardes prénuragiques et nuragiques considéraient ces eaux comme sacrées et les utilisaient déjà pour se soigner. Des sources et des puits sacrés attiraient ici les populations proto-sardes d’autres territoires insulaires proches et lointains, en effet les plateaux autour du village actuel sont constellés de sites préhistoriques, parmi lesquels Casteddu ecciu et différentes nécropoles en domus de Janas.
L’ensemble thermal romain fut édifié au bord du fleuve Tirso, précisément sur le site de Caddas (chaudes, justement) que les Romains appelèrent des aquae ypsitanae. L’empereur Trajan voulut que l’établissement soit bâti en bordure du centre urbain de Forum Traiani, le grand marché d’échange entre les populations romanisées de l’arrière-pays derrière le golfe d’Oristano et les communautés du nord et du sud de l’Île. Avec la construction de l’ensemble le forum devint également un lieu de bien-être et d’agrégation sociale, en plus des baignades dans les piscines, on se promenait le long des portiques autour des bassins en discutant de politique et d’affaires : Forum Traiani devint une destination convoitée pour cultiver la santé physique et mentale et les plaisirs de la vie. L’architecture, avec portique, salles et bassins, est encore aujourd’hui imposante et fait comprendre combien elle devait l'être à l’époque de la Rome impériale.
Au centre de l’établissement on trouve une grande piscine rectangulaire réservée aux bains dans l’eau tiède (tepidarium), autrefois couverte d’une voûte en berceau et entourée de portiques où l’on faisait halte et on se reposait entre un bain et l’autre. Sur les côtés des bassins de captation et de mélange et le Nymphée, un grand bassin entouré de niches pour l’exposition de statues et de cippes votives, il y avait l’espace sacré pour le culte des pouvoirs curatifs des aquae calidae. Le circuit des piscines thermales est plus isolé, des bains chauds (calidaria) au frigidarium avec des vestiaires et des espaces réservés à la restauration.
Autour de l’établissement thermal on construisit des maisons patriciennes, ‘structures d’accueil ’pour héberger les visiteurs, des édifices pour les activités civiles et les cultes funéraires, aujourd’hui le plus souvent englobées dans le sous-sol de l’agglomération de Fordongianus qui, dans de nombreux points de sa trame urbaine affiche les marques des anciens vestiges. Avec la chute de l’empire romain, les thermes furent lentement abandonnés, le coup de grâce arriva au Moyen-âge, quand ils furent démantelés pour y construire des églises, couvents et lieux de culte. Seules les parties de l’établissement strictement thérapeutiques et quelques autres échappèrent à la nouvelle vision du monde, fort heureusement suffisants pour poursuivre la tradition thermale et à faire aujourd’hui encore de l’ancien Forum Traiani un lieu de bien-être par excellence.
En Sardaigne la fête est sacrée
Dans une bonne partie de la Sardaigne, elles s’appellent cumbessias, dans la région d’Oristano, muristenes, ce sont des villages fantômes isolés au goût mystique qu’il est facile de rencontrer en voyageant à travers l’Île à la recherche de lieux insolites et précieux. En silence toute l’année, ils n’étaient habités que les jours des neuvaines, entre dévotion, dissolution des vœux et joyeuse fête collective en l’honneur des saints auxquels sont dédiées les petites églises de campagne qui sont souvent de petits joyaux de l’art moyenâgeux. Les sanctuaires ouvraient leurs portes jour et nuit aux fidèles, tandis que les maisonnettes, aménagées ‘à la bonne franquette’ accueillaient les pèlerins qui arrivaient en procession à pied ou à cheval de la paroisse du village. Le prieur entamait les rites rythmés par les gosos, des chants de louange anciens et déchirants entonnés au lever et au coucher du soleil, par les célébrations à l’église et par les moments de recueillement et de réflexion durant les promenades dans les lieux situés autour des villages.
Pas seulement des prières et de la spiritualité donc, la neuvaine était également une fête populaire collective, entre la préparation de plats typiques et de feux allumés pour les viandes rôties, après dîner on restait ensemble longtemps, avec des concours de poésies, des chants et des danses traditionnelles, et l’on dormait ensuite dans les maisonnettes disposées en cercle autour de l’église ou en file comme la rue d’un bourg.
L’habitude de séjourner et de se reposer dans les lieux sacrés pourrait avoir des racines très anciennes, probablement nuragiques. C’est ce qui disait également Aristote, dans la préhistoire de la civilisation sarde l’incubatio, était répandu, c’est un curieux rituel qui aidait à établir un contact avec l’au-delà et le divin. On considérait comme un bon traitement pour l’âme et pour le corps le fait de dormir pendant de brèves périodes et dans des circonstances spéciales, « à côté des héros » les tombes des Géants.
Depuis quelques décennies on a lentement perdu la tradition de séjourner dans les novénaires éparpillés en Sardaigne, aujourd’hui, après les rites religieux, chacun retourne chez soi et les villages demeurent silencieux.
Mais l’ancienne tradition fait inexorablement surface et certains ouvrent de nouveau les portes jour et nuit, tôt ou tard la fête sacrée retournera.
San Francesco di Lula
Le Montalbo, dépouillé et impérieux, s’élève sur le fond, immédiatement derrière une colline sauvage. Un cadre austère et impressionnant accueille le lieu symbole de la spiritualité, où les fidèles de toute la Sardaigne se rendent en pèlerinage lors d’une double fête aux racines légendaires. C’est le sanctuaire de Saint-François, à un peu moins de trois kilomètres de Lula : c’est ici que deux fois par an, le premier mai et le 4 octobre, se perpètre un acte de dévotion qui compte parmi les plus caractéristiques et sentis de l’Île et que Grazia Deledda a décrit dans le roman ‘Elias Portolu’.
L’origine de la célébration remonte à un fait divers, l’accusation injuste d’homicide à l’encontre d’un brigand du bourg de Lula qui prit le maquis pour échapper à la condamnation et fut obligé de se cacher dans une grotte sur les collines environnantes. Une fois son innocence finalement prouvée, le brigand construisit la petite église en signe de reconnaissance. Toutefois l’édifice actuel est un remaniement de 1795 d’un édifice préexistant qui remonte probablement au XVIe siècle. Une statue en bois de Saint-François du XVIIe siècle de l’école napolitaine est conservée dans la salle.
À partir du moment de la construction, le sanctuaire ne fut pas uniquement un lieu de culte et une destination de pèlerinage de la part des habitants de Lula, par conséquent, pour accueillir les pèlerins et les participants aux neuvaines de toute la région de Nuoro et du reste de l’Île, on construisit, en grande partie dans l’ère moderne, les cumbessias, des maisonnettes en pierre caractéristiques tout autour du sanctuaire, destinées au logement et à la restauration des fidèles.
L’atmosphère mystérieuse liée au brigand légendaire, obligé de se déplacer sous couvert de l’obscurité, résonne dans la procession qui se répète deux fois par an. La marche démarre au cœur de la nuit de l’église de la Solitude de Nuoro, à plus de trente kilomètres environ vers le sanctuaire avec l’arrivée le matin suivant. Le pèlerinage du premier mai coïncide avec le début de la neuvaine qui se conclut le 10. Les protagonistes des deux célébrations, en mai et au début octobre, sont les traditions culinaires de la zone : vous pourrez savourer les plats typiques offerts aux fidèles. À commencer par su filindeu, des pâtes artisanales très particulières, cuites dans le bouillon de mouton et assaisonnées au fromage. Puis su zurrette, de toutes les ‘Barbagie’, un boudin salé de mouton ou d’agneau. Parmi les rites séculaires destinés au saint, sa bertula (la besace) se distingue, c’est un vœu pour lequel un échange est demandé. Dans une poche de la besace on couche un enfant malade et, dans l’autre, on dépose des offres collectées avec une quête de maison en maison. Et aussi sa pesada : sur une balance on offre de la viande d’agneau ou de veau– l’équivalent en poids d’un enfant malade.
Une fois la fête conclue, le moment de quitter le sanctuaire arrive : la statue de Saint-François retourne vers Nuoro, accompagnée par les fidèles à pied ou à cheval. C’est à s’Arbore, dans les campagnes de Marreri, qu’a lieu la rencontre avec les pèlerins provenant du chef-lieu, à l’occasion d’un buffet en plein air, suivi dans la soirée par la prise en charge de la statue, pour la dernière étape jusqu’au chef-lieu où le cortège parcourt trois fois le trajet autour de l’église du Rosaire pour s’arrêter ensuite devant la maison du nouveau prieur qui conservera la bannière jusqu’au mois de mai suivant.
Cagliari en plein air
Des circuits fitness en plein air dans les parcs et les oasis naturelles au cœur de la ville, des pistes cyclables et des parcours piétonniers dessinés sur des kilomètres de bord de mer qui vont du centre historique jusqu’à la plage du Poetto, où les voitures sont interdites. Ce sont des gymnases en plein air où la lumière est intense et la chaleur réconforte, où l’air est bon et émet des senteurs de saumâtre et de maquis. Le fait de le respirer profondément durant l’activité en plein air fortifie le corps et l’esprit, sentir le vent sur la peau et le bruit du ressac dans le fond sont une sensation surprenante de bien-être. Après les séances d’aquagym et de yoga au bord de la mer, une excursion en voilier dans le golfo degli Angeli (golfe des Anges), la course dans les espaces verts et le trekking dans les forêts voisines, qu’il y a-t-il de mieux que de savourer les saveurs de la Sardaigne ? Eh oui, ici vous trouverez la meilleure cuisine, comme le dit ‘il Gambero Rosso’, à Cagliari on mange bien et sain. Sur les tables on perçoit la mémoire du savoir-faire et la recherche du bon et de l’authentique qui voyagent transversalement des trattorias typiques aux restaurants étoilés, jusqu’aux délicieuses cuisines de rue qui n’oublient pas les plats de tradition.
Supramonte di Baunei, sur le toit du monde
Regardez autour de vous, vous le percevez déjà en montant le haut-plateau du Golgo di Baunei, d’où s’étend le Supramonte. Le paysage est une représentation de la nature primordiale, où plane l’âme archaïque de la Sardaigne : il y a l’abîme de su Sterru, un puits karstique en entonnoir très profond et mystérieux à côté du cercle de pierres nuragiques qui ferment les piscinas, les bassins naturels qui collectaient l’eau pour les anciens rites. Il y a des domus de Janas cachées dans la végétation et dans les hauteurs des nuraghes qui regardent Golgo et le village. Ces lieux qui ont échappé à la main de l’homme et on est charmé par l’atmosphère suspendue entre l’enchantement et la stupeur. Mais c’est seulement le prélude de ce qui vous attend en vous enfonçant à pied dans la codula de Sisine, le lit du fleuve souterrain qui remonte sur la plage splendide. Le parcours est aisé, avec peu de dénivelé, on arrive à la mer en faisant le plein de la beauté rencontrée sur la route, des falaises calcaires poussées vers le ciel, canyons, grottes, ravins et pinacles recouverts de genièvres et de maquis, d’anciennes bergeries, desanimaux sauvages, quelques bergers.
Une mer de blanc
La Sardaigne sous la neige exalte l’atmosphère magique poétiquement racontée par l’écrivaine de Nuoro Grazia Deledda. Les villages des Barbagie conservent leur charme d’authentiques bourgs de montagne d’autrefois, il n’y a pas de stations de ski très fréquentées et les quelques lumières artificielles font filtrer des manteaux d’étoiles lumineux, ce sont les cieux célébrés dans les pages des écrivains, les poésies des bergers et les chants traditionnels poignants. Ce sont des villages entourés d’environnements naturels superbes, dont un grand nombre est peint avec d’extraordinaires murales et, dans les environs, il y a toujours un site archéologique à visiter. Ce sont des lieux à vivre parmi la population locale, chaleureuse et accueillante, en participant à la vie de la communauté, en fréquentant les boutiques artisanales de pain et de gâteaux, en goûtant des plats simples et savoureux et en sirotant du cannonau. Pas mal, entre une randonnée en raquettes et l’autre.
Les douces saveurs des fêtes
Depuis toujours un symbole de fêtes et de célébrations, les pains et les gâteaux typiques qui se préparent en Sardaigne pour les fêtes de Noël sont des joyaux riches en goût, toujours différents, d’un village à l’autre. Dans les fours du Logudoro on prépare su bacchiddu ‘e Deu, un pain en forme de bâton qui rappelle la crosse des évêques, et sa pertusitta, une fougasse décorée avec des images des bergers et des brebis en relief. Le goût de sa tunda, le pain rond de la région d’Oristano, est enrichi aux noix et raisin sec. En Ogliastra il existait une ancienne coutume qui revient de temps en temps, c’est celle d’offrir des pains en forme de cœur, d’étoile ou de nouveau-né. Originaire de la région de Nuoro, aujourd’hui préparé dans toute l’Île, c’est su pani cun gherda, à savoir avec les ciccioli (morceaux) de lard de porc. Il existe un gâteau, préparé autrefois uniquement à Noël, mais tellement bon que depuis des décennies on le prépare pendant toute l’année, le torrone de Tonara, sans sucre, uniquement à base de miel que l’on fait fondre à feu lent dans un chaudron en cuivre et que l’on remue pendant des heures, en ajoutant des amandes, des noisettes ou des noix.