La Sardaigne, une belle histoire
C’est un berceau entouré par la mer où il y a huit mille ans commença une civilisation mystérieuse et originale, ouverte aux innovations et aux contaminations culturelles, apportées par la mer d’une rive à l’autre de la Méditerranée ancienne. Les Sardes construisent des nuraghes sur les côtes avec des abris pour les bateaux, unis entre eux pour le contrôle de la mer et reliés à ceux qui ont été construits dans l’arrière-pays. La position de l’Île est stratégique, c’est un carrefour animé sur les routes commerciales fréquentées par les peuples navigateurs, parmi ceux-ci les pacifiques Phéniciens qui s’installeront en Sardaigne. Ils fondent celles qui seront les plus belles, cultivées et riches villes de tous les temps, Sulky, Bithia, Nora, Tharros, Karaly. Des biens, des idées et des connaissances circuleront librement entre les villes phéniciennes et les villages nuragiques jusqu’au moment où les peuples impérialistes débarquèrent assoiffés de nouvelles possessions.
Janas, durant la nuit d’Halloween
Elle a probablement des ascendances préhistoriques, il est certain qu’on la célèbre depuis la nuit des temps et qu’elle ressemble aux fêtes de la tradition anglo-saxonne. C’est la nuit de fin octobre quand les royaumes de la lumière et des ténèbres s’unissent et permettent aux âmes des défunts, une fois les portes du Purgatoire ouvertes, de retourner dans les lieux auxquels ils étaient attachés et d’errer parmi les vivants. Les janas racontées dans les légendes populaires insulaires et à travers la tradition orale se distinguent parmi les âmes suspendues. Ce sont de petits esprits en équilibre entre ciel et terre, les fées ou les sorcières, selon les lieux où ils sont invoqués, ont une voix douce et une beauté enchanteresse. Les tombes creusées dans la roche, symbole d’un facies culturel diffusé dans toute la Sardaigne entre les IVe et IIIe millénaires av. J.-C. habitent les domus de Janas.
Grazia et Maria, les révolutionnaires
Elles combattent les préjudices et mélangent les canons de la littérature moderne et de l’art contemporain, ce sont des âmes sœurs, taciturnes, avec une grande pensée et tant de rêves. Minuscules et chétives, elles font penser aux mythiques janas et libèrent comme celles-ci des énergies puissantes et féériques, en donnant la parole aux femmes de la Sardaigne la plus profonde et à la poésie de leurs lieux de naissance, Barbagia et Ogliastra. C’est ici que se rencontrent les œuvres les plus grandioses de Maria Lai, dans les campagnes d’Ulassai, le long des parcours de montagne vers ce miracle de la nature qu’est la grotte de su Marmuri et dans le bourg, à côté de celles des artistes internationaux qui ont souhaité en célébrer le génie créatif en marquant ces lieux de leur art. Maria Lai rendra le même hommage à Grazia Deledda en installant à Nuoro sa dernière œuvre, tout près de la chiesa della Solitudine (église de la solitude) où repose l’unique femme italienne prix Nobel de littérature. Andando via est un parcours dans les silences pleins de vie des femmes de Deledda, entre les lieux habités par les mythes et les légendes millénaires, un monde poétique qui a nourri la sensibilité artistique des deux.
Cagliari en plein air
Des circuits fitness en plein air dans les parcs et les oasis naturelles au cœur de la ville, des pistes cyclables et des parcours piétonniers dessinés sur des kilomètres de bord de mer qui vont du centre historique jusqu’à la plage du Poetto, où les voitures sont interdites. Ce sont des gymnases en plein air où la lumière est intense et la chaleur réconforte, où l’air est bon et émet des senteurs de saumâtre et de maquis. Le fait de le respirer profondément durant l’activité en plein air fortifie le corps et l’esprit, sentir le vent sur la peau et le bruit du ressac dans le fond sont une sensation surprenante de bien-être. Après les séances d’aquagym et de yoga au bord de la mer, une excursion en voilier dans le golfo degli Angeli (golfe des Anges), la course dans les espaces verts et le trekking dans les forêts voisines, qu’il y a-t-il de mieux que de savourer les saveurs de la Sardaigne ? Eh oui, ici vous trouverez la meilleure cuisine, comme le dit ‘il Gambero Rosso’, à Cagliari on mange bien et sain. Sur les tables on perçoit la mémoire du savoir-faire et la recherche du bon et de l’authentique qui voyagent transversalement des trattorias typiques aux restaurants étoilés, jusqu’aux délicieuses cuisines de rue qui n’oublient pas les plats de tradition.
Supramonte di Baunei, sur le toit du monde
Regardez autour de vous, vous le percevez déjà en montant le haut-plateau du Golgo di Baunei, d’où s’étend le Supramonte. Le paysage est une représentation de la nature primordiale, où plane l’âme archaïque de la Sardaigne : il y a l’abîme de su Sterru, un puits karstique en entonnoir très profond et mystérieux à côté du cercle de pierres nuragiques qui ferment les piscinas, les bassins naturels qui collectaient l’eau pour les anciens rites. Il y a des domus de Janas cachées dans la végétation et dans les hauteurs des nuraghes qui regardent Golgo et le village. Ces lieux qui ont échappé à la main de l’homme et on est charmé par l’atmosphère suspendue entre l’enchantement et la stupeur. Mais c’est seulement le prélude de ce qui vous attend en vous enfonçant à pied dans la codula de Sisine, le lit du fleuve souterrain qui remonte sur la plage splendide. Le parcours est aisé, avec peu de dénivelé, on arrive à la mer en faisant le plein de la beauté rencontrée sur la route, des falaises calcaires poussées vers le ciel, canyons, grottes, ravins et pinacles recouverts de genièvres et de maquis, d’anciennes bergeries, desanimaux sauvages, quelques bergers.
Une mer de blanc
La Sardaigne sous la neige exalte l’atmosphère magique poétiquement racontée par l’écrivaine de Nuoro Grazia Deledda. Les villages des Barbagie conservent leur charme d’authentiques bourgs de montagne d’autrefois, il n’y a pas de stations de ski très fréquentées et les quelques lumières artificielles font filtrer des manteaux d’étoiles lumineux, ce sont les cieux célébrés dans les pages des écrivains, les poésies des bergers et les chants traditionnels poignants. Ce sont des villages entourés d’environnements naturels superbes, dont un grand nombre est peint avec d’extraordinaires murales et, dans les environs, il y a toujours un site archéologique à visiter. Ce sont des lieux à vivre parmi la population locale, chaleureuse et accueillante, en participant à la vie de la communauté, en fréquentant les boutiques artisanales de pain et de gâteaux, en goûtant des plats simples et savoureux et en sirotant du cannonau. Pas mal, entre une randonnée en raquettes et l’autre.
Les douces saveurs des fêtes
Depuis toujours un symbole de fêtes et de célébrations, les pains et les gâteaux typiques qui se préparent en Sardaigne pour les fêtes de Noël sont des joyaux riches en goût, toujours différents, d’un village à l’autre. Dans les fours du Logudoro on prépare su bacchiddu ‘e Deu, un pain en forme de bâton qui rappelle la crosse des évêques, et sa pertusitta, une fougasse décorée avec des images des bergers et des brebis en relief. Le goût de sa tunda, le pain rond de la région d’Oristano, est enrichi aux noix et raisin sec. En Ogliastra il existait une ancienne coutume qui revient de temps en temps, c’est celle d’offrir des pains en forme de cœur, d’étoile ou de nouveau-né. Originaire de la région de Nuoro, aujourd’hui préparé dans toute l’Île, c’est su pani cun gherda, à savoir avec les ciccioli (morceaux) de lard de porc. Il existe un gâteau, préparé autrefois uniquement à Noël, mais tellement bon que depuis des décennies on le prépare pendant toute l’année, le torrone de Tonara, sans sucre, uniquement à base de miel que l’on fait fondre à feu lent dans un chaudron en cuivre et que l’on remue pendant des heures, en ajoutant des amandes, des noisettes ou des noix.
Des cascades d’eau pure
Sur une île de volcans très anciens, le Montiferru a été le plus grand. Aujourd’hui c’est un immense haut-plateau basaltique sillonné d’eaux impétueuses qui, à la limite entre Bonarcado et Santu Lussurgiu, génèrent la magnifique cascade de sos Molinos. Des courants souterrains remontent à la surface dans le bourg de San Leonardo, à l’intérieur de la forêt qui porte le même nom, avec les sources très pures et riches en minéraux de Siete Fuentes. Les eaux du Montiferru alimentent également le rio Salighes, un torrent tranquille qui est le protagoniste d’un phénomène avec peu d’équivalents au monde : il plonge directement dans la mer depuis la falaise de Cuglieri. La cascade s’appelle s’Istrampu de Capu Nieddu, un saut fracassant de 40 mètres encore plus suggestif si l’on l’écoute de la mer. Plus au sud, dans le Medio Campidano, on trouve le mont Linas avec les rochers les plus anciens d’Europe, une terre à la saveur primitive avec quelques traces de passages humains et peuplée de cerfs, de renards et de sangliers. La tranquillité de ses bois est ‘brisée’ par le fracas de trois cascades grandioses : sa Spendula fend la forêt comme une lame, pour le dire avec les mots de D’Annunzio, Piscina Irgas plonge de 45 mètres dans un petit lac caractéristique vert émeraude et Muru Mannu, qui compte parmi les plus hautes en Sardaigne, est entourée d’un amphithéâtre naturel spectaculaire.
En promenade à travers la Gallura
Vous le poursuivez jusqu’aux sommets des hauteurs qui surplombent les célèbres localités côtières de la Gallura, du haut regardez l’archipel de la Maddalena, Tavolara et les îlots qui parsèment sa mer. Les parcours vers l’intérieur sont parfois difficiles et doivent être parcourus avec des guides, mais la plupart conviennent à tous les trekkers, il suffit de suivre les indications. D’autres encore sont de douces randonnées, ils côtoient la mer et mènent à des lieux où domine l’esprit de l’environnement naturel de la Gallura. Le plus iconique à Santa Teresa Gallura est un parcours en boucle sur le promontoire du phare de Capo Testa, ici le maquis cède le pas au labyrinthe de sculptures majestueuses de granit sculptées dans les règles de l’art par le vent, il arrive jusqu’à la mer et donne des forme bizarres aux criques de sept vallées entourées de grottes naturelles creusées dans les rochers, une est la Valle della Luna (vallée de la lune) habitée par une communauté hippy, un lieu insolite qui ne peut que déchaîner des émotions, même contradictoires, mais il est certain que dans ces vallées lunaires c’est la beauté infinie de la Gallura qui domine.
Bourgs perdus et retrouvés
Du cœur d’Ulassai le ‘sentier Maria Lai’ monte vers la montagne jusqu’au canyon sa Tappara, ses parois sont un incroyable gymnase naturel avec plus de cent voies d’escalade libre, certaines faciles pour les novices, d’autres appréciées par les escaladeurs experts. La sortie du canyon s’ouvre sur la vallée du Padru, de ses flancs opposés on peut regarder deux villages fantômes, Gairo vecchio et Osini vecchio, submergés par le destin commun de l’abandon des maisons fragilisées par les éboulements et les glissements de terrain, après des jours de pluie incessante. Puis le lent exode vers des rivages plus sûrs, mais la nostalgie poussera les habitants à retourner parmi les vieilles maisons pour prendre soin des potagers et des jardins, depuis lors plus d’un demi-siècle a passé et les iris et les arums refleurissent et les roses grimpantes couvrent encore les murets en pierres sèches, les arbres continuent de donner des fruits en souvenir de la vie qui fut et qui reviendra peut-être. Dans la ‘vieille’ Osini certaines maisons ont été remises sur pied et la cloche de l’église rénovée sonne de temps en temps dans la vallée.